Mattia SCARPULLA : « que ton corps explose ».
Sighişoara, fin mai 2012
que ton corps explose
que tu te souviennes de l’explosion
et que je veuille oublier avant de savoir encore
je me réveille encore
l'âge n'a pas effacé
peux-tu vivre sans mémoire ?
que la lettre soit le corps
que toute ta lettre trace des aventures inouïes
que toute ta lettre soit une géographie éternelle
mais que le corps explose avant et après la lettre
et encore ta caresse
à l’instant je me rappelle réveillé effrayé par le souvenir de l’amour
je cours loin de la lettre
peux-tu vivre sans mémoire ?
que ton corps explose
que la lettre ait dix ans encore
que la lettre ait dix enfants
que la lettre arrête d’arracher cette peau fatiguée
que la lettre arrête d’arracher la distance entre ton mon corps
que mon corps explose avant de lire la lettre
que la lettre explose
avant et après que le corps s’arrache la mémoire
que le corps s’arrache le corps
et que la lettre se taise
et que la lettre taise toute cette résistance au sentiment
je me rappelle trop
les souvenirs reviennent comme au marché
pourrions-nous vivre sans aimer encore ?
comme une cacophonie de questions d’une dernière vente adolescente
il faut s’aimer prends-moi vite soit du vent d’amour de salive puis va dans ta chambre
que ton corps explose
que je me réveille encore
que l'âge ait effacé
parce que si tu m’aimes alors ton corps ne doit pas exploser encore si loin
si je me lève la lettre est lue
si la lettre parle alors je crie
si je crie alors tu existes
comme une lettre âgée
alors le monde est immense
que je ne veuille pas de cet amour
que ta mort n’existe que pour les autres
que la décortication ne m’arrache plus de cris de possession
si je cours comme tu le traces dans ma peau alors je viens t’enterrer
alors que le corps explose
écho d’une mémoire qui s’efface
je te jure et que ta mort soit un rêve encore
que la mémoire explose et que je dorme
comme une lettre âgée comme une mémoire rabougrie je reviens au sommeil
et tu te rappelles encore?
Mattia Scarpulla nous autorise à publier ce texte paru dans le « Francopolis » du mois de décembre. Merci à lui et à l'équipe formidable de la Revue.