Yves Bonnefoy : " le mot ronce, dis-tu ".

Publié le par LMPG


Le mot ronce, dis-tu ? Je me souviens

De ces barques échouées dans le varech

Que traînent les enfants les matins d’été

Avec des cris de joie dans les flaques noires

 

Car il en est, vois-tu, où demeure la trace

D’un feu qui y brûla à l’avant du monde

— Et sur le bois noirci, où le temps dépose

Le sel qui semble un signe mais s’efface,

Tu aimeras toi aussi l’eau qui brille.

 

Du feu qui va en mer la flamme est brève,

Mais quand elle s’éteint contre la vague,

Il y a des irisations dans la fumée.

Le mot ronce est semblable à ce bois qui sombre.

 

Et poésie, si ce mot est dicible,

N’est-ce pas de savoir, là où l’étoile

Parut conduire mais pour rien sinon la mort,

 

Aimer cette lumière encore ? Aimer ouvrir

L’amande de l’absence dans la parole ?

 

Ce qui fut sans lumière, éd. Gallimard.

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