Top articles
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Erri de Luca : " H2O2 ".
Ma Mère me lavait les cheveux avec de l’eau oxygénée j’étais brune, elle me faisait blonde, la seule de la rue. (La guerre est finie madame, maintenant nous sommes chez nous.) A l’âge de six ans elle m’amena chez un chirurgien, mon nez était recourbé,...
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Giacomo Leopardi : " L'infini ".
Toujours j’aimai cette hauteur déserte Et cette haie qui du plus lointain horizon Cache au regard une telle étendue. Mais demeurant et contemplant j’invente Des espaces interminables au-delà, de surhumains Silences et une si profonde Tranquillité que...
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George Oppen : « IMAGE DU MOTEUR »
1 Selon toute vraisemblance un joint de culasse usé Qui crache à chaque poussée du moteur, l’arbre à manivelle Cognant comme une sonnette dans les profondeurs de l’engin : Une machine qui s’emballe toute seule, une masse Brûlante et concentrée de machine...
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Michel Deguy : « Le cimetière ».
Ici c’est le jardin du marbrier Cité de nains boutiques bombardées Par la tombe à la bouche d’ombre Un mort y entre au centre de la terre Une vie pourquoi pas avec Chaque matin et chaque soir La promenade au cimetière Herbu où les tombes sans ordre Sous...
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Pierre Reverdy : « Espace au fond du couloir ».
J’ai ouvert l’horizon d’un geste Sur la porte de la maison La clef manque Et la saison reste On tourne à gauche en attendant Il vient un reste de raison Autour les collines se ferment On ne peut pas sortir C’est long Et le ciel que le vent entraîne Les...
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Thierry Radière : « Où tu rêvais de liberté… » *
* L'auteur prévient le lecteur qu'il s'agit de l'extrait d'un texte qui est en cours... Où tu rêvais de liberté et que j’étais convaincu que je serais toujours esclave de moi-même. Le verre de cassis à l’eau à quatre heures pile chez mon arrière-grand-mère...
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Perrin Langda : « Pur jus de dinosaure ».
Les argentinosaures grands comme des barres d’immeubles broutant les cimes bleues des forêts alentour sont tombés comme des feuilles sur le sol leurs corps déchus ont fermenté dans la Terre qui est devenue « bleue comme une orange » pressée et c’est ce...
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Bernard Noël : « Champdieu ».
la proportion parfois fait penser le ciel le jardin alors en est la tête ouverte regarder c’est voir l’intérieur de la vue le long pli mouvant selon qui l’invisible vient au bord des formes et pose une ombre blanche le buis sait cela mieux que nous il...
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Nichita stanescu : « Au nord du nord ».
Et même ce qui n’existe pas peut mourir, pareil à la vie d’un animal boréal dont nous n’avons jamais su de quoi était fait l’état crépusculaire. Il apparaissait parfois dans ta manière de marcher, mais j’étais trop somnolent pour le voir. Parfois il chantait...
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Roberto Juarroz : « …Lorsque s’éteint la dernière lampe… »
Lorsque s’éteint la dernière lampe, non seulement s’éteint quelque chose de plus grand que la lumière : l’ombre s’allume aussi. Il devrait y avoir néanmoins des lampes qui serviraient exclusivement à allumer l’ombre. N’y a-t-il pas des regards pour ne...
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Lêdo Ivo : (dans "L'Oreille du Loup")
skip to main | skip to sidebar L'Oreille du Loup éditions / poésie lundi 24 décembre 2012 Lêdo Ivo, poète brésilien Nous venons d'apprendre avec tristesse la mort de Lêdo Ivo En juin 2012, L' O reille du L oup a publié le premier livre en français de...
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Tomas Tranströmer : « Ouragan d’Island ».
Pas un tremblement de terre, mais des secousses célestes. Turner aurait pu les peindre, une fois amarré. Un gant solitaire vient de passer, en virevoltant, à des kilomètres de sa main. Je peux me frayer un chemin dans ce vent contraire , jusqu’à cette...
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Valérie Rouzeau : " Juillet à rassembler de grandes fleurs... "*
Juillet à rassembler de grandes fleurs communes par leurs noms. Trouver les roses plus roses que dans nos souvenirs ma mère et moi. Je devais encore faire des pointes pour embrasser qui je voulais. L'acteur hautain à la télévision où je posais un vase....
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Oliverio Girondo : " Note de rue ".
A la terrasse d’un café il y a une famille grise. Passent des seins qui louchent et cherchent un sourire sur les tables. Le bruit des voitures fait déteindre les feuilles des arbres. A un cinquième étage, quelqu’un se crucifie en ouvrant grand une fenêtre....
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Tomas Tranströmer : " Les pierres ".
Les pierres que nous avons jetées, je les entends tomber, cristallines, à travers les années. Les actes incohérents de l'instant volent dans la vallée en glapissant d'une cime d'arbre à une autre, s'apaisent dans un air plus rare que celui du présent,...
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Morgan Riet : " Scie du jour ".
Ciel - grillage gris à contenir cris écorchés d'oiseaux noirs, plaintes du vent à gifler, brouiller, ren- verser châteaux de cartes d'âme; ciel de mai - lent - colique de bruine entre ses barreaux cotonneux - d'où ne semble s'évader qu'éternuements et...
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Thierry Radière : " Espoir de billes ".
en jouant aux billes sur le parquet c’est l’horizon lisse que je touche cogné par le bleu vert rouge doré l’écartement amuse mon goût des chocs et calme ma soif d’idée nouvelle en permanence dans les jeux intérieurs mon échiquier où il me manque une grande...
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Yannick Monrose : " Ma valise ".
J’ai laissé passer l’essentiel, le pan de détresse, le bruit de mes crises au fond de l’eau, la forme d’un visage imprévu. La maison me torture, j’arrive tordu à la fenêtre. Je plane et voilà tout. L’auberge de la peur, Le détachement à la querelle, là...
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Yves Bonnefoy : " le mot ronce, dis-tu ".
Le mot ronce, dis-tu ? Je me souviens De ces barques échouées dans le varech Que traînent les enfants les matins d’été Avec des cris de joie dans les flaques noires Car il en est, vois-tu, où demeure la trace D’un feu qui y brûla à l’avant du monde —...
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"Les chants sans voix", de Fabrice Farre.
XXII – En bordure Lorsque l’écrevisse montrait ses pinces au bout de ta main, le jour faisait peur L’enfance perdait son maillot à rayures le mégot de l’homme épais sur sa chaise glissait au fil de l’eau Le déplacement jusqu’ici avait coûté des heures...
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Nâzim Hikmet : " Nostalgie ".
Cela fait cent ans que je n’ai pas vu ton visage que je n’ai pas passé mon bras autour de ta taille que je ne vois plus mon visage dans tes yeux cela fait cent ans que je ne pose plus de question à la lumière de ton esprit que je n’ai pas touché à la...
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Jean-Baptiste Pedini : " On est seul ".
On est seul et on tourne sur nos propres images. Les draps ont sauté par-dessus nos yeux et on ne voit plus rien des saules et des cascades. On reste au sec et pourtant la chambre s’inonde d’espaces nus, de corps en kit. De chutes inouïes, de nos peurs...
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Antonio Ramos Rosa : " Il n'en finit pas le cheval d'être cheval..."
Il n'en finit pas le cheval d'être cheval par son nom et par son corps, par l'argile rouge et le taillis vert, le commencement de la forme de son être. Je me glisse à plat ventre pour le voir dans la gloire de son champ d'herbe rase : il respire l'air...
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Yannick Torlini : " Inventaire infinitif ".
commencer d’un jour à l’autre pourtant commencer dans un jour qui ne s’ écrit plus ni l’autre pourtant ces jours encore le oui dans le nom ces jours fatigués encore fatigués ces jours oui ces jours encore faits de passages en passages circulations des...
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Jean Tardieu : " Conjugaisons et interrogations II ".
Nous restons où nous sommes Nous restons où nous sommes arrivés. Pourtant nous ne restons pas là où nous sommes Nous ne restons pas où nous sommes arrivés. Là où nous sommes tantôt nous restons, tantôt non. Là où nous ne sommes pas arrivés, tantôt nous...